Depuis cet été, Mohammed M. faisait l’objet d’une étroite surveillance de la part des services de renseignements. Aucun élément ne laissait toutefois présager de passage à l’acte

« C’est malheureusement un nom que nous connaissons bien… » Mohammed M., l’auteur présumé de l’attaque qui a fait un mort et deux blessés dans le lycée Gambetta d’Arras, faisait l’objet, depuis cet été, d’un « suivi actif » de la part de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a appris 20 minutes auprès des services de renseignement. Selon nos informations, ce suivi a été déclenché à la suite de propos jugés « extrêmement inquiétants » tenus par le jeune homme de 20 ans ces derniers mois.
« Il était sur écoute, a fait l’objet de multiples surveillances physiques », insiste cette source. L’individu, fiché S, avait, encore hier, fait l’objet d’un contrôle. « Nous savions qu’il était radicalisé mais aucun élément ne nous permettait de penser qu’il allait passer à l’acte, ni dans ses conversations, ni dans un quelconque acte préparatoire », analyse cette source. Malgré cette surveillance étroite, aucune infraction n'a pu lui être reprochée. Son casier judiciaire était, par ailleurs, vierge.
Un professeur tué, un agent de sécurité grièvement blessé
En fin de matinée ce vendredi, Mohammed M., a poignardé à plusieurs reprises deux enseignants et un agent de sécurité qui tentaient de le maîtriser. L’un des professeurs est décédé après avoir reçu des coups de couteau à la gorge et au thorax, l’agent de sécurité grièvement blessé est toujours en urgence absolue. La troisième victime est plus légèrement atteinte. Des témoins l’ont entendu crier « Allahou Akbar ».
L’assaillant a été interpellé quelques minutes plus tard. Le Parquet national antiterroriste s’est rapidement saisi des faits, ouvrant notamment une enquête pour « assassinat terroriste » et « tentatives d’assassinats ». Aucun élève n’a été blessé. Son frère, mineur, a été interpellé non loin d’un autre établissement de la ville mais n’était pas armé. Il a été placé en garde à vue, ce qui est toutefois la norme dans ce genre d’affaire. Selon nos informations, il était inconnu des services de renseignements.
La famille avait fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire en 2014
Mohammed M. est né en 2003 en Russie et possède toujours la nationalité russe. Sa famille, d’origine Ingouche, est arrivée en France en 2008. Selon nos informations, en février 2014, une obligation de quitter le territoire (OQTF) leur a été délivrée. Le couple et ses cinq enfants – trois garçons et deux filles – qui s’étaient établis près de Rennes ont embarqué aux aurores à bord d’un avion en direction de Roissy. La famille devait ensuite prendre un second avion qui les reconduirait en Russie. Mais cette expulsion a entraîné une forte mobilisation des associations rennaises et la famille a finalement été conduite au dernier moment dans un centre de rétention administrative de la région parisienne.
Après quelques mois en Ile-de-France, la famille s’était installée à Arras et les enfants ont été scolarisés dans le groupe scolaire Gambetta-Carnot. Mohammed M. connaissait-il ses victimes ? Les a-t-il choisies sciemment ? Les investigations, encore balbutiantes, n’ont pas encore permis de répondre à cette question. Selon plusieurs témoignages, cependant, l'assaillant cherchait des professeurs d'histoire-géographie, enseignant la « laïcité ». Un acte lourd de sens presque trois ans jour pour jour après l'assassinat de Samuel Paty.
Si le professeur tué, Dominique Bernard, enseignait les lettres, plusieurs sources, confirme que l'assaillant a bien été scolarisé dans l’établissement à partir du collège. Son profil LinkedIn indique également qu’il a poursuivi ses études en BTS dans ce même groupe scolaire jusqu’en juin dernier. Selon nos informations, le père de famille a été expulsé en 2018. « Mohammed M. n’était pas expulsable, précise une source proche du dossier. Il est entré en France avant l’âge de 13 ans et bénéficie donc, aujourd’hui encore, de la protection absolue contre l’éloignement. »
Son frère aîné condamné dans une affaire terroriste
Mais dans la famille M., Mohammed n’est pas le seul à être connu des services de renseignement. Son aîné, Mosvar, a été condamné en juin à cinq ans de détention pour ne pas avoir dénoncé un projet d’attaque terroriste dont il avait connaissance. Le groupe est notamment soupçonné d’avoir envisagé de « commettre un massacre » à l’Elysée après s’en être pris à une patrouille de police. Interpellé en 2019 alors qu’il était encore mineur, Mosvar avait toutefois un rôle secondaire dans ce dossier.
Placé en détention provisoire, il avait finalement obtenu son placement sous contrôle judiciaire en 2020. Un assouplissement rapidement révoqué un an plus tard lorsque les services de renseignement se sont aperçus qu’il continuait à diffuser des contenus violents, émanant notamment de l’Etat islamique. Il a été condamné en juin 2023 à 18 mois de prison ferme pour « apologie du terrorisme ». Il est actuellement écroué.