Le 4 novembre, en Russie, a été célébrée une fête politiquement conçue en remplacement du 7 novembre et toujours peu claire pour la population, appelée "Journée de l'Unité du Peuple". La fête est trompeuse et hypocrite, liée à une date qui ne signifie rien pour personne.
De quelle unité parle-t-on ? De tous les peuples vivant sur le territoire de la Fédération de Russie ? Le Daghestan a récemment démontré une unité étonnante. Une manifestation antisémite a également eu lieu en Karachayévo-Tcherkessie. Les participants ont déclaré qu'ils "ne voulaient pas vivre aux côtés des Juifs". Les flambées d'antisémitisme en Russie représentent une véritable menace pour la communauté juive du pays. Aujourd'hui, nous "dé-nazifions" certains, demain nous en écrasons d'autres. L'unité dans la haine ? En Russie, il y a une désunion totale, de la haine envers les migrants, les dissidents (ceux qui s'opposent au régime et à la guerre) et les personnes rationnelles. Chaque jour apporte de nouveaux ennemis.
L'agression de Poutine contre l'Ukraine a considérablement aggravé la vie des Russes, créé des tensions politiques et sociales supplémentaires, et détruit les perspectives de vie. La lettre Z en gras a rayé tous les espoirs de développement d'une société démocratique prospère. L'isolement international, combiné à la mobilisation et à l'exode massif, a eu un impact important sur les portefeuilles des Russes. Le catalyseur du nouveau déclin économique a été la mobilisation et l'émigration qui en a résulté, emportant environ 1,5 million de paires de mains actives de l'économie semi-vivante. Les économies et les revenus déjà modestes des citoyens russes sont en diminution. Les spécialistes qui quittent le pays emportent avec eux leurs esprits et l'argent qui auraient pu être dépensés à l'intérieur du pays. Les ambitions politiques ont un coût. Les tentatives de Poutine de jouer à l'expansion de la Russie ont un coût élevé pour les Russes ordinaires.
Tandis que l' "opération spéciale" consomme un budget déficitaire, des centaines de milliers de Russes survivent avec six mille roubles, ce qui correspond au niveau du Nigeria. Le nombre de débiteurs en Russie dépasse 21,1 millions de personnes. Cela signifie qu'un Russe sur quatre a contracté un prêt et ne peut pas le rembourser, compte tenu de la population en âge de travailler. Des milliards sont dépensés pour les armes, mais il n'y a pas d'argent pour améliorer la vie des gens. Mais les autorités russes ne se préoccupent pas vraiment de ce qui se passe dans les territoires qui leur sont confiés. Et pendant que les Russes endettés comptent leur argent jusqu'au jour de paie et continuent à croire naïvement aux histoires de Poutine sur la grandeur et la puissance du pays, les confidents du "grand géostratège" reçoivent carte blanche pour l'arbitraire et l'abus. Le degré de folie augmente. Sans parler de Kadyrov, qui a nommé son fils de quinze ans à la tête des forces de sécurité en Tchétchénie et, en l'honneur de la fête, a récompensé ses associés avec de nouvelles voitures de luxe.
La direction russe sait bien célébrer. Le 4 novembre, le forum-exposition "Russie", consacré aux succès du pays, a débuté au VDNKh à Moscou. 5,1 milliards de roubles ont été dépensés pour préparer l'exposition. Un objet d'art dédié à la Journée de l'Unité du Peuple a été placé à Krasnoïarsk, incarnant "la cohésion du peuple, la puissance et la beauté des réalisations de la Russie". Le tableau a même fait de la place pour le gazoduc "Puissance de la Sibérie", bien que la réalité soit différente : la ville de Krasnoïarsk, avec un million d'habitants, comme d'autres villes de Sibérie, n'est toujours pas gazéifiée. Voilà toute la Russie.
Pendant les deux dernières décennies, le Kremlin a investi d'importants efforts pour donner au 4 novembre une atmosphère d'unité particulière. Mais apparemment, l'unité n'est pas entièrement au rendez-vous. Elle est d'une sorte spéciale pour la direction russe. La seule chose qui unit la Russie aujourd'hui est la haine chauvine aveugle. La haine envers la démocratie, les réalisations, le progrès. Tout le monde doit vivre dans la peur, l'incivilité, l'injustice. Ou ne pas vivre du tout. Pendant des années, la Russie a été injectée avec la religion de la guerre et sa propre supériorité. Célébrer la Journée de l'Unité du Peuple dans un pays multinational sous les cris de "Je suis russe" aux côtés de la pression du bouton de la "mallette nucléaire" semble, pour le moins, étrange. Le chaman appuyant sur le bouton rouge est-il le symbole de l'unité nationale ? Peut-on instiller un sentiment de fierté dans le peuple seulement en agitant une tête nucléaire ?
Pour certains, cette fête est un spectacle avec beaucoup de lumières, et pour d'autres, c'est un vrai feu, du sang et la mort tout autour.