Depuis fin 2016, un conflit meurtrier oppose des groupes armés indépendantistes et les forces de sécurité, accusés chacun de crimes contre les civils par les ONG internationales et l’ONU

Dans l’ouest du Cameroun, des rebelles et l’armée s’affrontent depuis sept ans. Ce lundi, une vingtaine de personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées dans une nouvelle attaque d’un village par des séparatistes anglophones, d’après des responsables de la sécurité et des autorités locales.
Le drame a eu lieu dans la nuit dans le village de Egbekaw (région du Sud-Ouest). « L’attaque a fait une vingtaine de morts, hommes, femmes et enfants, et dix personnes grièvement blessées sont à l’hôpital », a assuré sous couvert de l’anonymat un haut responsable de l’administration de la région. Depuis fin 2016, un conflit meurtrier oppose des groupes armés indépendantistes et les forces de sécurité, accusés chacun de crimes contre les civils par les ONG internationales et l’ONU, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, peuplées principalement par la minorité anglophone de ce pays d’Afrique centrale majoritairement francophone.
Un bilan encore provisoire
Des rebelles « ont attaqué les populations civiles de Egbekaw et le bilan provisoire est de 23 morts et une quinzaine de maisons brûlées », a affirmé également au téléphone à l’AFP un officier de la gendarmerie locale qui a également requis l’anonymat.
Un haut responsable de la Commission des Droits humains du Cameroun (CDHC) a confirmé l’attaque et évoqué un bilan provisoire de 15 morts. « Mais ce chiffre peut évoluer », a assuré le membre de cet organisme gouvernemental. Au Cameroun, les informations concernant des attaques, ou des actions impliquant des forces de l’ordre, sont toujours communiquées officiellement plusieurs heures voire plusieurs jours plus tard.
Ils « ont tiré sur les habitants endormis »
Le pays est dirigé d’une main de fer depuis quarante et un ans jour pour jour par le président Paul Biya, âgé de 90 ans L’attaque d’Egbekaw n’a pas été revendiquée mais les journaux de la mi-journée des radios et télévisions publiques l’ont attribuée « aux séparatistes ». « Cela s’est passé à 4 heures du matin. Des jeunes gens armés sont venus et ont tiré sur les habitants endormis dans leurs maisons et mis le feu à tout un pâté de maisons », a raconté en milieu de matinée un habitant du village qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité.
« On a déjà sorti 23 personnes des décombres dont certains ne sont même pas reconnaissables à cause de l’incendie », a-t-il poursuivi. « On peut penser que c’est lié au 6 novembre, date anniversaire de l’accession du président Biya au pouvoir », estime cet habitant, qui ajoute : « un meeting du RDPC [Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, le tout-puissant parti présidentiel] était prévu dans les environs », avance-t-il.
Des « atrocités » commises par les deux parties
Les attaques des rebelles, qui se font appeler les « Ambazoniens » (du nom d’une « Ambazonie » dont ils ont proclamé unilatéralement l’indépendance en 2017), s’attaquent fréquemment à des civils qu’ils accusent de « collaborer » avec Yaoundé. Les forces de sécurité sont également régulièrement accusées par les ONG internationales et l’ONU de « bavures », tueries et autres tortures sur des civils qu’elles soupçonnent de sympathiser avec les rebelles.
Le 4 octobre, deux villageois ont ainsi été exécutés publiquement sur le marché du village de Guzang, dans le Nord-Ouest, par un groupe qui les accusait de renseigner l’armée. Les rebelles se livrent aussi à des kidnappings de civils accusés, ou non, de « collaborer », qui se résolvent dans la plupart des cas par le paiement de rançons. Début juillet, Amnesty International s’était de nouveau alarmée d'« atrocités » dont sont victimes les civils, notamment des « exécutions extrajudiciaires », « homicides » d’habitants dont des femmes et des enfants, « tortures » et « viols », perpétrés par les séparatistes armés comme par des membres des forces de sécurité.
Source: 20minutes