Les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont déposé une candidature commune ce mardi pour organiser les Jeux d’hiver 2030 dans les Alpes françaises qui seront « durables », un « leurre » pour des écolos

Après Paris 2024, les Alpes 2030 ? Si rien n’est encore acté, la machine est lancée. La France, à travers les régions Aura et Paca, a déposé ce mardi un dossier de candidature commun auprès du Comité international olympique pour l’organisation des Jeux d’hiver 2030. Ils promettent d’être, selon les porteurs de ce projet, « sobres » et « respectueux de l’environnement ».
Dans cette optique, les épreuves se concentreront sur « deux grands pôles olympiques » dans chaque région. Le pays niçois (Nice et Isola 2000) et Briançon pour les Alpes du Sud et la Savoie (avec Méribel/Courchevel, la Plagne, Val d'Isère) et la Haute-Savoie (le Grand-Bornand et la Clusaz) pour les Alpes du Nord.
Les propositions des présidents de région pour des Jeux « durables »
Mais pour respecter cet engagement, il faut aller plus loin. Laurent Wauquiez a alors affirmé lors d’une conférence de presse à ce propos que « l’essentiel de la candidature s’appuyait sur un héritage », notamment celui des JO d’hiver d’Albertville de 1992, et d’un savoir-faire. Les stations citées plus haut ont « l’habitude des compétitions internationales » et sont donc équipées. Ainsi, « 95 % des infrastructures » qui seront utilisées pour les JO sont déjà existantes. Les « seuls » travaux (pour un bâtiment sportif) la construction d’une patinoire d’une capacité de 10.000 places, à Nice. Rien n’est encore décidé non plus concernant la piste de patinage de vitesse. « Il n’y a pas de construction en France, ce sera soit un site temporaire soit l’exploitation d’un site à l’étranger », a confié Laurent Wauquiez.
Ces JO d’hiver seraient, d’après le président de région, une façon « d’initier un certain nombre de transformations, comme des dameuses à l’hydrogène ou des ascenseurs valléens ». Les Alpes françaises s’appuient également sur « un réseau de transports décarbonés », des mobilités « utilisées et privilégiées » durant les Jeux, assurent les élus. Ils estiment que l’événement permettra « d’accélérer » les travaux sur les réseaux, comme l’axe Gap-Grenoble et Marseille-Briançon.
Les Ecologistes d’Auvergne-Rhône-Alpes contre le projet
« On a toujours aucune garantie que ces Jeux soient durables », a réagi, à la suite de cette présentation, Claudie Ternoy-Leger du groupe Les Ecologistes à la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a voté contre le projet lors de la dernière assemblée plénière. Pour elle, l’organisation d’un tel événement est « un contresens ». Elle cite l’exemple de l’UTMB qui a « suscité beaucoup de questions quant à la surfréquentation des lieux dans les milieux fragiles ». Elle évoque également le « retour d’expérience » de l’organisation des championnats du monde de ski alpin à Méribel Courchevel. « On a créé une retenue collinaire, dans un contexte où la ressource en eau se fait rare », énumère-t-elle. Elle pense alors que le recours à la neige artificielle sera inévitable, faisant référence aux récentes prédictions.
Malgré la mise en avant « du savoir-faire », elle rappelle la nécessité d’une « mise aux normes » des infrastructures sportives comme d’accueil de publics et « qu’aucun TER n’avait été ajouté au trafic lors des championnats du monde ». Elle ne croit pas non plus qu’en six ans, les deux régions puissent « améliorer les réseaux » ferroviaires. Claudie Ternoy-Leger s’étonne d’ailleurs qu’il faille des JO pour faire avancer ce dossier.
Elle conclut : « Des JO durables, c’est un leurre. Ça aggrave surtout la situation actuelle qui n’est déjà pas réjouissante pour nos montagnes, dont les glaciers fondent à vue d’œil. » Elle reprend d’emblée : « Nous ne sommes pas contre le sport et l’organisation de compétitions, mais de cette manière, c’est insoutenable. »
« On ne peut plus faire de Jeux olympiques »
« Que le CIO nous organise des olympiades locales dans nos départements, propose de son côté, Stéphane Passeron. On doit faire du sport local, de l’agriculture locale, il faut changer de paradigme. Le monde comme il est, ça ne marche plus. » Ce porte-parole du collectif No JO milite contre la tenue de ces jeux depuis un an.
« Moi je préfère que ces milliards [les régions estiment un investissement à 1,5 milliard d’euros pour l’organisation] servent aux hôpitaux, pour des choses importantes que pour quinze jours de fête », explique-t-il. Avant d’ajouter : « C’est triste mais c’est comme ça, on ne peut plus faire de Jeux olympiques. Et oui, c’est moi qui dis ça, ça me peine mais on n’a plus le choix. La planète est gravement malade. Comme le rappellent les chiffres du Giec, on est déjà bien en retard. Cet été, on a dépassé le cap à ne pas franchir [+1,5 °C] qu’on s’était fixé lors de la Cop de Paris », complète cet ancien skieur de fond professionnel.
«Ce n’est parce qu’on va faire des Jeux que la neige va se remettre à tomber»
Il reproche aux porteurs du projet des JO d’hiver 2030 de ne pas se rendre compte de l’urgence climatique que « nous sommes en train de vivre ». « Nous, qui vivons à la montagne, on le voit chaque jour les changements dus au réchauffement climatique. Mais pas une seule fois [les porteurs du projet] n’ont parlé des scientifiques ou de la fonte des glaciers, pointe-t-il. Ce n’est pas les Jeux qui vont sauver l’économie de la montagne, au contraire. Toutes les stations se demandent déjà comment payer les factures d’électricité pour faire tourner leurs remontées mécaniques, les canons à neige – parce qu’il n’y en a plus -. Ce n’est parce qu’on va faire des Jeux que la neige va se remettre à tomber », lâche-t-il.
Début décembre, le CIO doit annoncer les territoires retenus [la Suède et la Suisse sont également candidates] pour la seconde phase de candidature, la réponse finale devant être annoncée courant 2024. « Quel que soit le résultat, on sait qu’on mène un combat qu’on va perdre, conclut Stéphane Passeron. Car dans tous les cas, les JO 2030 se dérouleront. Et n’importe où, c’est désolant pour la planète. »
Source: 20minutes