
Le président va passer près de 72 heures dans la cité phocéenne pour lancer l'acte 2 de "Marseille en grand". Si Emmanuel Macron affiche régulièrement son amour pour la ville, elle est également un terrain d'expérimentation pour la macronie qui voit en Marseille un "laboratoire" à ciel ouvert.
Une étape à très forte valeur symbolique. Pour la seconde fois en moins d'un an et demi, Emmanuel Macron vient passer trois jours à partir de lundi midi dans la cité phocéenne - une première pour un président. Avec de nouvelles annonces dans sa besace, le chef de l'État qui vient faire un premier bilan de "Marseille en grand", devrait à nouveau mettre en scène son amour de la ville, non sans arrière-pensées.
En lançant ce plan à destination de la seconde ville de France en septembre 2021, le chef de l'État avait déjà mis cinq milliards d'euros sur la table pour renforcer les effectifs de police, rénover les écoles, l'espace urbain et développer les transports. Cette fois-ci encore, le dirigeant ne devrait pas venir les mains vides.
Au menu: l'avenir du port qui pourrait à terme relier l'Allemagne, la question des stupéfiants alors que des dizaines de jeunes meurent chaque année à cause du trafic de drogue ou encore les copropriétés dégradées, montrées du doigt dans la tragédie de la rue d'Aubagne.
"Le président va prendre son temps" et "être à l'écoute des Marseillais", a déjà fait savoir l'entourage d'Emmanuel Macron. Pas question de ne passer qu'une tête dans la seconde ville de France pour celui qui entretient depuis des années une relation forte.
En 2016, à peine entré en campagne, le candidat choisit les Pennes-Mirabeau, à quelques encablures de la cité phocéenne pour son tout premier meeting.
"Organiser son premier show de campagne présidentielle dans la ville des embrouilles politiques, il fallait quand même être sacrément gonflé", glissait avec le recul l'un de ses proches à BFMTV.com en septembre 2021.
Le geste n'a cependant rien de surprenant: "j'aime Pagnol", avait-il encore déclaré dans son livre de candidature Révolution. Le président ira d'ailleurs à la rencontre de son petit-fils ce mardi soir.
C'est que, depuis son arrivée à l'Élysée, le dirigeant rate rarement une occasion de mettre en scène son amour des Bouches-du-Rhône, qu'il juge "vibrantes". Son attachement à la cité phocéenne s'illustre par son attachement à l'Olympique de Marseille qui lui donne une bonne raison pour aller passer ses premières vacances de président non pas à Brégancon, la résidence d'été des locataires de l'Élysée, comme le veut la tradition, mais à Marseille.
À peine arrivé, le chef de l'État enfile ainsi son maillot de foot, direction le centre d'entraînement de l'équipe. Il faut dire que la cité phocéenne à l'avantage de lui "permettre de casser son image de président des élites parisiennes, d'homme élu par la France qui va bien - avec la belle lumière du Vieux Port en prime", traduisait lors d'un de ses précédents déplacements Christophe Madrolle, conseiller régional, proche de la macronie.
Rebelote en septembre 2020, en pleine crise du Covid-19. Tout sourire, Emmanuel Macron se rend dans une école marseillaise le jour de la rentrée, aux côtés de Jean-Michel Blanquer avant donc de lancer l'Acte 1 de "Marseille en grand".
Lors de la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron tient son seul grand meeting de campagne de l'entre-deux-tours depuis le jardin du Pharo. Le lieu se veut époustouflant entre la mer d'un côté et la Bonne-Mère de l'autre, la cathédrale emblème.
"Macron adore se mettre en scène avec la carte postale de Marseille, son soleil, une sorte de bouffée d'oxygène. Et quand il vient, il adore faire comme dans Plus Belle la vie", estime d'ailleurs la sénatrice Valérie Boyer (LR), ex-adjointe à la mairie.
En tout, le président n'est pas venu moins de onze de fois dans la préfecture des Bouches-du-Rhône. Et le calcul politique n'est jamais très loin. Le chef de l'État voit ainsi en Marseille "une petite France" et un "laboratoire extraordinaire pour révéler ce qu'on peut faire au niveau national", comme il l'a confié à La Provence.
Avec un exemple: la question des écoles dont la vétusté des bâtiments est régulièrement pointée du doigt. Sous l'égide d'Emmanuel Macron, 59 établissements de la ville se sont lancés à la rentrée dernière pour mener un projet pédagogique sur mesure avec une enveloppe pour acheter du matériel, payer des intervenants et recruter directement leurs professeurs.
Manifestement satisfait des premiers résultats, le président avait annoncé vouloir "généraliser" cette expérimentation à toute la France lors de sa visite avec Pap NDiaye lors de la dernière rentrée scolaire.
"Il y a beaucoup de freins à Marseille et il y a le risque que si ça ne marche pas ici, on se dise que ça ne marchera pas ailleurs", met cependant en garde un député macroniste du cru.
"Mais les écoles marseillaises sont tellement en difficulté que d'une certaine façon, beaucoup sont prêts à tout essayer. L'expérimentation qu'on fait chez nous, je doute qu'on aurait pu le faire ailleurs aussi vite", ajoute ce parlementaire.
Bien conscient du diagnostic, Emmanuel a d'ailleurs déjà mis en garde en amont de sa visite auprès de La Provence. L'acte 2 de "Marseille en grand" "doit aller encore plus vite", appelant les élus locaux, sans les citer, à arrêter de "commenter" et à "se mettre au rythme".
Il faut dire que le marigot marseillais n'a rien d'évident pour le chef de l'État. Le maire socialiste de la ville, Benoît Payan, est à la tête d'un des territoires les plus endettés de France. Avec la métropole, le département et la région, tous de droite ou Macron-compatible, l'édile est particulièrement isolé.
Autant dire que la main tendue du président est une aubaine pour l'élu marseillais, bien décidé à redresser la ville, après des années d'une gestion très contestée sous Jean-Claude Gaudin.
"On a une relation plutôt saine. On n’est pas d’accord au niveau national, mais on a une affection commune pour cette ville", affichait d'ailleurs Benoît Payan la semaine dernière dans la presse régionale.
"Payan sait que Macron et son plan sont une grande chance pour la ville mais vous avez de telles bisbilles politiques entre les différentes strates de décision que tout prend un temps fou et ça, ça agace beaucoup le président", reconnaît un élu local marseillais.
L'arrivée de plusieurs proches de l'Élysée n'est d'ailleurs pas passée inaperçue ces derniers temps, de l'ex-ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, désormais président du Grand port de la ville, à l'ancien directeur de cabinet de Brigitte Macron, Pierre-Olivier Costa, devenu numéro 1 du Mucem.
Du côté des habitants eux-mêmes, l'idylle avec Emmanuel Macron est moins claire. Au premier tour de la présidentielle, le locataire de l'Élysée est arrivé loin derrière Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.