Le roi Charles III et la reine Camilla arrivent vendredi à Bordeaux, pour un parcours millimétré durant lequel ils rendront visite à une association caritative et à un grand cru classé converti en bio

Le passage du roi d’Angleterre Charles III et de la reine Camilla, vendredi après-midi à Bordeaux, va être mené tambour battant. Hôtel de ville, place de la Bourse, passage par l’association Le Pain de l’Amitié pour la reine et par la Forêt expérimentale de Floirac pour le roi, puis visite du domaine viticole Smith Haut-Lafitte à Martillac, au sud de Bordeaux, en fin d’après-midi… La déambulation royale sera « millimétrée » prévient-on au sein des autorités.
Mais quel « formidable coup de projecteur » pour ceux qui en auront les honneurs, comme le souligne Philippe Traissac, président de l’association Le Pain de l’Amitié, rue Saint-Nicolas à Bordeaux. Celle-ci a été choisie par le couple royal, car elle fait partie du réseau « In Kind Direct », structure caritative internationale fondée par Charles III lorsqu’il était Prince de Galles.
« Nous avons tracé toute la pérégrination de la reine »
L’organisation d’une telle visite est particulièrement lourde, pour une petite association comme celle-ci. « Tout est très préparé, millimétré » insiste Philippe Traissac. Et il n’est pas près d’oublier ce jour de juillet, lorsqu’il a vu débarquer « une quarantaine de personnes, avec des représentants de l’ambassade de Grande-Bretagne, de la préfecture, de la mairie, de la protection des personnalités à Paris, du ministère des Affaires étrangères… » Depuis, « il y a eu deux autres visites préparatoires. Nous avons tracé toute la pérégrination de la reine dans les locaux, et chacun sait où il doit se placer, c’est très précis. » Deux familles originaires du Sahel doivent aussi être présentées à la reine, avec qui elle échangera brièvement, avant de leur remettre un colis.

Désignée dès le mois de février dernier, pour une visite qui devait initialement se dérouler en mars, mais qui avait été reportée en raison des manifestations contre la réforme des retraites en France à ce moment-là, Le Pain de l’Amitié, association caritative faisant partie du réseau Saint-Vincent-de-Paul, vient en aide aux familles dans le besoin, aux sans-abri et aux migrants. Un restaurant social propose ainsi des repas à 1,50 euro. Dans son épicerie solidaire, elle vend des fruits et légumes à 50 centimes le kilo, et de la viande à un euro, ainsi que des produits d’hygiène.
« On ne sera pas vraiment en conditions réelles »
La durée de la visite royale ne devrait pas excéder 25 minutes. Court, pour expliquer tous les enjeux de l’association, souligner que « le nombre de bénéficiaires est en augmentation de 30 % cette année. » Et puis, « on ne sera pas vraiment en conditions réelles » nous fait remarquer un bénévole. Pour des questions de sécurité, le nombre de personnes dans l’enceinte de l’association sera effectivement (très) réduit.
Qu’importe. « Nos équipes sont heureuses, fières, et cela va nous donner une notoriété qui nous est nécessaire pour recruter de nouveaux bénévoles » insiste Philippe Traissac. « Et puis, sourit une bénévole, au moins la ville est-elle passée nettoyer la cour, ce n’était jamais arrivé jusqu’ici. »
Quatre domaines viticoles étaient en compétition
Le roi Charles a également tenu à marquer son déplacement à Bordeaux, du sceau de sa grande passion, l’agriculture biologique. Et pour Florence Cathiard, la propriétaire du célèbre grand cru classé Smith Haut-Lafitte, c’est certainement pour cette raison que son domaine viticole a été choisi par Buckingham, au début de l’année.
Quatre domaines bordelais étaient en lice pour accueillir la visite royale, « même si lorsque nous avons été contactés pour la première fois, nous ne savions pas de quelle personnalité il s’agissait, raconte Florence Cathiard. On nous parlait d’un ambassadeur, puis d’un ministre… Puis au bout de quatre visites, nous avons appris que c’était pour le roi. »
Ravie, la propriétaire des lieux estime qu’il y a « une certaine logique si nous avons été choisis, car nous sommes des pionniers du bio. » Lorsque Florence Cathiard et son mari Daniel - tous deux anciens membre de l’équipe de France de ski, et fondateurs de la marque Go Sport qu’ils ont depuis revendue - ont racheté le domaine en 1990, « nous avons immédiatement entamé des démarches pour passer en bio » raconte-t-elle, même si elle reconnaît aujourd’hui que « c’était une erreur, car trop tôt. » Après des démarrages difficiles, des allers-retours entre le bio et le conventionnel, plusieurs pertes de récolte, comme en 2013, le domaine de 78 hectares, dont 11 hectares de blanc, est aujourd’hui « 100 % bio, et même biodynamie, mais sans le volet mystique… » Et avec une régularité dans la qualité, qui fait l’unanimité depuis plusieurs années.
Une première rencontre avec le Prince de Galles il y a une vingtaine d’années
Florence Cathiard souligne encore que « nous avons aussi été le seul château à avoir été invité à la COP21, parce que nous sommes les seuls à faire le recyclage de nos 20 tonnes de CO2 émises par nos cuves. » Enfin, « nous sommes aussi dans la bioprécision, c’est-à-dire que l’on se sert des drones, des capteurs embarqués sur les tracteurs, et du tri optique informatisé, car dans un climat à l’anglais comme nous avons à Bordeaux, on rencontre des problèmes, surtout de mildiou. »

Bref, Florence Cathiard et le roi Charles parlent le même langage. La patronne de Smith Haut-Lafitte ne cache d’ailleurs pas qu’elle en est « fan », depuis qu’il est Prince de Galles, et qu’elle a même eu déjà l’occasion de le rencontrer il y a une vingtaine d’années. « Un ami qui organisait une opération caritative en Grande-Bretagne, m’a demandé si ça m’intéressait d’y participer pour rencontre le Prince Charles. Je suivais déjà de près ce qu’il faisait en matière d'agriculture bio dans son domaine de Highgrove, c’était un visionnaire, donc oui je voulais le rencontrer. A la fin de sa partie de polo, il s’approche de moi alors que je servais mon vin, et nous avons parlé de bio. Bon, lui a forcément oublié cet échange depuis, mais moi, ça m’a conforté dans nos choix au domaine. » Notamment dans celui de se diversifier, en lançant aussi la marque de cosmétiques Caudalie, et une offre oenotouristique avec hôtel et restaurants sur place.
Dernière répétition vendredi
A Smith Haut-Lafitte, la visite aussi sera millimétrée. « Nous avons un parcours, que nous répéterons une dernière fois vendredi, mais il est susceptible de légères modifications en fonction de la météo. » Le roi et la reine devraient en tout cas descendre dans la tonnellerie du château, le grand cru classé de Pessac-Léognan étant un des quatre domaines viticoles de Bordeaux à fabriquer lui-même ses tonneaux, avec château Margaux, Lafite-Rothschild, Haut-Brion. « Peut-être même que le roi aidera le tonnelier » s’avance la propriétaire des lieux.
Elle espère aussi pouvoir l’emmener en haut de la tour du château, « où l’on aperçoit tout notre vignoble, et au loin notre chai à énergie positive consacré aux jeunes vignes. » Au loin, il devrait aussi voir les vendangeurs à l’œuvre, puisque le domaine est en pleine récolte de ses raisins rouges, mais que pour des questions de sécurité l’activité du château devra être repoussée au-delà d’un certain périmètre. Dommage, car le couple royal ne pourra pas assister au tri des raisins, mélange de technologie avec la trieuse optique et de tradition puisqu’il se fait aussi à la main.
Deux bouteilles offertes
En revanche, il traversera la « cathédrale », un impressionnant chai d’un millier de barriques, uniquement réservé au grand cru du château. C’est actuellement le millésime 2022 qui y est entreposé avant sa mise en bouteille. Il sera rejoint à la fin des vendanges par le 2023.

Le couple royal goûtera-t-il le vin ? « On l’espère bien » lance Florence Cathiard, qui précise être autorisée à n’offrir « que deux bouteilles » à ses hôtes de marque. « Le 2022, année de son sacre, n’étant pas encore en bouteille, nous avons été autorisés à lui créer un assemblage de deux millésimes qui s’en rapprochent le plus, explique-t-elle. Et ces deux bouteilles seront frappées du sceau royal, avec des étiquettes spéciales. »
Tout sera donc fait pour rendre ce moment historique. Et si pour Smith Haut-Lafitte, mondialement connu des amateurs de vin, l’enjeu de l’événement ne sera pas la reconnaissance, « on espère tout de même que cela va asseoir notre notoriété », anticipe Florence Cathiard.
Source: 20 Minutes