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Qu’est-ce que la Mezza Lyon, le groupe auteur des provocations racistes au Vélodrome ?

Pour « 20 Minutes », Sébastien Louis, docteur en histoire contemporaine, spécialiste du supporterisme radical en Europe, a dressé le portrait de ce groupe de hooligans extrémistes de Lyon


Qu’est-ce que la Mezza Lyon, le groupe auteur des provocations racistes au Vélodrome ?
Qu’est-ce que la Mezza Lyon, le groupe auteur des provocations racistes au Vélodrome ?

Drapeaux bleu blanc rouge, saluts nazis, « cris de singe » et mise en avant de papiers d’identité français. Lors de la (non) rencontre entre l’OM et l’OL, une partie des supporteurs lyonnais se sont (une nouvelle fois) fait remarquer par leurs provocations racistes et antisémites. Identifié comme la « Mezza Lyon », ce groupe de hooligans n’en est pas à sa « première fois ». Pour 20 Minutes, Sébastien Louis, docteur en histoire contemporaine, spécialiste du supporterisme radical en Europe et auteur du livre Ultras les autres protagonistes du football, est revenu sur l’histoire de ses membres, le lien entre Lyon et l’extrême droite, afin d’analyser les événements de dimanche soir dernier.



Que pouvez-vous dire des provocations de la part de certains supporteurs lyonnais ?


Elles ne sont pas étonnantes. Elles font, malheureusement, partie de l’atmosphère délétère autour des rencontres entre l’Olympique de Marseille et l’Olympique lyonnais, car les supporteurs radicaux des deux camps ont des opinions politiques fortement divergentes. Depuis de nombreuses années, les supporteurs de Lyon contestent la citoyenneté française de ceux de Marseille, en sortant des drapeaux français, leur carte d’identité et faisant des saluts fascistes.


Qui sont ces supporteurs lyonnais ?


Ils font partie du groupe Mezza Lyon qui siège généralement au virage sud et qui est actif depuis 2006. Ils entretenaient à l’époque, des liens étroits avec le GUD et le Bastion social. Il regroupe quelques dizaines d’individus, sans être un groupe vraiment structuré. Ils ne sont pas présents à tous les matchs mais ils sont là pour les plus importants, quand il y a des supporteurs « à risque » ou des « ennemis politiques ». Il existe aussi des ponts entre certains ultras et la Mezza, surtout lorsqu’il s’agit d’agresser des adversaires, ce qui fait que leur nombre est plus significatif. On se rappelle ainsi des affrontements très violents avec les ultras de Saint-Etienne, de Tottenham, ou encore du Maroc [après un match contre la France].


Ces individus sont plutôt jeunes, sans signe distinctif. Il est donc difficile de les reconnaître. On leur connaît cependant le Totenkopf [tête de mort, symbole de la 3e division des SS] comme symbole, et le drapeau serbe, un pays considéré par les nationalistes comme un exemple de lutte pour défendre leur identité et leur nation.


Quel lien entre l’extrême droite et les supporteurs de football ?


La quasi-totalité des hooligans en France sont proches de l’extrême droite. Ils ont une vision en commun de la société avec ce bord politique : la défense d’un territoire et la violence, un instrument légitime selon eux. Il existe énormément de passerelles entre les deux. De plus en plus, aujourd’hui, les mouvements d’extrême droite identitaires s’inspirent du hooliganisme. D’ailleurs, ces groupes de hooligans permettent à ces groupes politiques d’exprimer leur violence dans un cadre « légitimé ».


Ensuite, le hooliganisme, qui était plutôt à l’anglaise, s’est transformé pour se tourner davantage vers du hooliganisme de spécialistes à la russe, c’est-à-dire, de sports de combat avec un entraînement derrière, sans consommation d'alcool derrière dans une volonté d’être préparé à faire le plus mal possible.


Le but de ces individus est de provoquer, de se faire voir et de faire parler d’eux – comme les médias le font depuis dimanche d’ailleurs.


Comment ces hooligans nationalistes ont-ils fait leur place à Lyon ?


Lyon, ce n’est pas un hasard, car c’est la capitale de l’extrême droite politique. Il faut savoir que la question du hooliganisme y est présente depuis très longtemps. Les problèmes de violences sont récurrents, comme dans d’autres stades français, mais ils sont apparus assez tôt dans cette ville, notamment avec la naissance des Bad Gones, en 1987, qui comptaient dans ses membres, des individus très radicaux, la plupart étaient alors des bonehead (skinehead néonazi). Dès leurs débuts, des personnes brandissaient des banderoles avec des symboles néonazis, comme le « S » de « Gones » remplacé par celui de la SS, des croix celtiques, des fanzines national Gones avec de la propagande néonazie. Puis, à la fin des années 1990, le groupe a connu une transformation et s’est assagi. Les Bad Gones ont été reconnus comme des interlocuteurs légitimes par le club et les individus les plus extrémistes ont décidé d’aller vers le virage sud. C’est là où on retrouve les hooligans de la Mezza Lyon.


Ce qu’il se passe avec les supporteurs n’est donc pas le reflet de notre société mais est quelque chose de beaucoup plus ancré localement. Il y a alors des territoires « à tenir ». Le Vieux Lyon comme le stade en font partie. N’importe quel connaisseur des tribunes sait que la tendance des supporteurs radicaux à Lyon, est clairement vers l’extrême droite, que ce soit les ultras ou les hooligans.


Peut-on imaginer ne plus voir ce genre de comportements dans les stades ?


C’est compliqué pour différentes raisons. La première, c’est que le stade donne une véritable plateforme médiatique à ces hooligans. Ensuite, même s’ils sont interdits de stade, ils restent très actifs en dehors. Il est alors plus difficile d’agir. La réponse est alors judiciaire. Mais cela demande un véritable engagement, notamment de la part de la préfecture.


Un stade parfait, ce n’est pas possible. En France, on a peu de symboles extrémistes comparés à d’autres pays, mais on a des groupuscules actifs en marge des matchs et qui se servent du stade comme un endroit où ils seront vus et où ils peuvent recruter. Après, on veut un stade politiquement correct d’un côté mais de l’autre, l’extrême droite a pignon sur rue et peut s’exprimer dans le reste de la société, comme dans les médias. La question est donc complexe dans un contexte où l’extrême droite est aux portes du pouvoir et où la majorité actuelle peut parfois s’aligner sur certaines thématiques pour des raisons purement électoralistes.




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